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dement. Toutes ces histoires extraordinaires, cette vie d’aventures et de maraude entretenaient dans l’esprit du jeune homme cette fièvre de l’inconnu, cette hantise du lointain dont son âme était palpitante…

Ce matin-là, Poloche se tenait drôlement au milieu de la chambre, la lueur crue de la lampe fouillant sa physionomie de pochard tiraillée de tics.

Il se promettait de boire un bon coup là-bas, dans les pays de bon vin où il se rendait. Et sa face exprimait une joie si puissante, si communicative, que les deux pêcheurs se tordaient les côtes.

Harassés, les deux pêcheurs rentrèrent tard ce soir-là.

Les grands froids ne venaient pas ; l’automne mourait dans la boue et dans la pluie. Le ciel bas pesait sur la terre, et les champs, vêtus d’ombres grises, avaient l’air de somnoler au long des jours.

Une petite pluie tombait, fine et pénétrante, et les chènevières noyées dans cette poussière d’eau s’étendaient sous la clarté livide du crépuscule.

— Pierre, dit Dominique, j’vas prendre les devants pour préparer la soupe.

Pierre consentit du geste, sans mot dire, car il portait le plus gros de la charge. Il était forcé de s’arrêter de temps à autre, appuyant sa hotte sur les « landres » de bois sec qui ferment les pâturages.

La nuit tombait, cette nuit froide de novembre qui s’abat subitement sur les campagnes, amenant un cortège d’épouvantes. La rafale se leva hurlante, courbant