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des mots très distingués, des mots savants qui lui revenaient de lectures faites à la veillée ; un tas de vieux bouquins retrouvés au fond d’une armoire, héritage d’un oncle curé.

Il répétait ainsi à tout bout de champ : comprends-tu l’apologue ? et comme il prononçait l’apoloche, de là lui venait ce sobriquet de Poloche, qui lui était resté.

Il disait aussi « sans plus tergiverser ».

Il était menuisier. Il aiguisait aussi les vieilles scies. Il allait par les rues, une couenne de lard à la main, un paquet de limes sonnant dans sa poche. Il montait aussi sur les toits pour réparer les gouttières, agile comme un chat, malgré son grand âge : sa silhouette se dressait gesticulante, sur la splendeur du couchant, parmi les cheminées qui fumaient.

C’était un pauvre bougre, qui faisait la joie du village. Jusqu’aux tout petits qui se campaient derrière lui, quand il oscillait sur ses talons et courait à pas menus pour rattraper son équilibre. Ils trébuchaient comme lui, et répétaient en l’imitant :

— Sans plus tergiverser. Sans plus tergiverser.

Soldat, il avait fait plusieurs congés, au temps où chacun d’eux durait sept ans. Ayant roulé sa bosse par toute la terre, les voyages lui avaient laissé toutes sortes de souvenirs, des aventures survenues chez les Turcs, chez les Yolofs, au Mexique et sur la côte du Sénégal. Il racontait ses amours de passage avec des femmes noires et des femmes jaunes, des bombances qui duraient des semaines, et se terminaient par des sommeils de quarante-huit heures, au creux des buissons, dans des pays étranges.

Poloche ne se faisait pas prier. Pierre l’écoutait avi-