Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les deux pêcheurs dormaient encore. La nuit était noire ; le chant des coqs enroués, se répondant d’une basse-cour à l’autre, déchirait le silence.

Un coup ébranla les ais de la fenêtre, tandis qu’une grosse voix, joyeuse et bourrue, criait au dehors :

— Ben quoi ! La coterie ! Tout le monde roupille là dedans ; y a pu d’amour ?

Pierre se leva, alluma à tâtons la lampe de cuivre suspendue au plafond, et dit à son père, par manière de réflexion :

— Poloche est bien matinal aujourd’hui.

La porte ouverte, Poloche entra.

C’était un vieux colporteur qui, tous les quatre ou cinq jours, venait charger sa hotte de tout le fretin pris dans les derniers temps, et allait le vendre dans les côtes, où les habitants sont friands de semblable denrée.

Un drôle de corps, ce Poloche, avec qui on n’avait pas le temps de s’ennuyer une minute.

Ivre habituellement, le vin qui donne aux hommes des pensées tristes et les fait larmoyer, les coudes sur la table, le vin, lui chauffant le ventre et le remettant d’aplomb sur ses vieilles quilles, lui inspirait une gaieté trouble, largement épanouie, fertile en inventions bizarres, en idées cocasses qui traversaient son cerveau.

Aussi on l’aimait et, les jours de réjouissance, nombreux étaient les compères qui se pressaient autour de lui, heureux d’entendre ses calembredaines, ses histoires, ses drôleries, les provoquant au besoin, et le