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drant sous lui. Il se dit qu’il avait le temps d’arriver pour la cérémonie, car il s’effarait à l’idée de rentrer dans sa maison, ne voulant pas voir la boîte où on l’avait clouée. Le dernier adieu, il le lui avait dit cette nuit-là, au cours de sa longue rêverie et il préférait rester sur cette impression, dont la douceur émouvante le consolait.

Justement, ses regards s’arrêtèrent, par une habitude invincible, sur une vigne qu’il possédait dans cet endroit : une belle vigne d’au moins deux « journaux », d’un seul tenant, avec des rangées de jeunes ceps, plantés dans un sol meuble et caillouteux, qui faisait le vin bon, traversé de murs de pierres sèches où s’étayaient les terres croulantes. Partant pour ses tournées en forêt, il lui arrivait souvent de faire un détour, malgré lui, pour ainsi dire : une petite visite d’amitié qu’il lui rendait. Les années où la récolte était bonne, il aimait s’arrêter sous les cerisiers plantés en bordure, contemplant les pampres ensoleillés, la lourde opulence des grappes noires.

Et voilà que cette vue lui fit un mal indicible. À qui cela reviendrait-il, maintenant ? À des parents éloignés, qu’on ne voyait presque jamais, et qui, convoitant l’héritage, se rapprocheraient des vieux avec des mines friandes et des flatteries hypocrites, qui le dégoûtaient d’avance. Et ils auraient le beau pré de trois fauchées, qu’on avait acheté pour profiter d’une occasion, ils mettraient la main sur l’argent placé à la caisse d’épargne, cet argent liquide, si rare dans les campagnes, dont la possession leur avait valu parfois toute sorte d’inimitiés.

Il se sentait pris, vis-à vis de ces étrangers, d’une