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tier de siège dont le projectile pesait dans les cent kilogrammes et était haut d’un mètre, ils s’étaient mis deux hommes après chaque obus. Mais la tâche n’était pas commode et ils se prenaient les doigts à rouler les morceaux d’acier sur les piles ; alors le cousin, prenant bravement son parti, s’était mis à coltiner son obus, sans s’occuper des autres. Le bonhomme s’appuyait d’un seul coup les cent kilos, qu’il portait dans ses bras, comme une nourrice porte un mioche ! Et il leur avait proposé de faire l’ouvrage à lui tout seul. Fallait voir la gueule du vieux, c’est ainsi qu’ils appelaient le capitaine, quand il était entré dans l’abri et qu’il avait vu le tableau ! Il n’en revenait pas, et du coup, il avait été chercher tous les officiers de la batterie ; le soir, le veinard de cousin avait eu un supplément de rata et une double ration d’eau-de-vie.

Tous, empruntant un terme à l’argot parisien, concluaient que pour un homme costaud, c’en était un.

Et ce disant, ils lui assénaient ces horions tendres, ces bourrades affectueuses qui sont pour les simples des marques de tendresse. Lui pétrissant les biceps et lui martelant les omoplates, ils faisaient sonner sous leurs poings ses muscles élastiques. Lui, modeste, se dérobait à l’ovation, savourait les coups à l’égal des compliments, dandinait gauchement son grand corps.

Pierre, qui avait fait quelques mois de service, dans la ligne, comme soutien de famille, n’osa pas en parler, se jugeant trop inférieur.

Ils félicitèrent Thérèse de son choix, le jeune homme leur plaisant par son air de franchise. Le cousin, qui était de la classe, promit d’aller danser à leurs noces ; les autres qui ne partaient pas, se turent, regardant