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révélait l’habitude de la volupté. Ses lèvres mordues par les baisers avaient l’éclat d’une pourpre vivante. Ses larges yeux, entourés de cernes bleuâtres, s’emplissaient d’une flamme ; toute sa chair meurtrie avait la maturité savoureuse d’un fruit d’automne qui fait ployer la branche, et semble prêt à rouler sur le sol.

Quand elle se promenait au bras de Pierre, les soirs de bal, elle avait une mollesse d’allure, un abandon voluptueux de la taille, qui en disaient long. Les hommes rôdaient autour d’elle avec des mines allumées, et Pierre, chatouillé au fond de son orgueil, jouissait puissamment de la brutalité de ces hommages.

Elle passait, ayant l’air de ne rien apercevoir.

Elle l’aimait comme un chien aime son maître, avec un don absolu de sa personne, le suivant des yeux, dès qu’il s’éloignait, et le couvant d’un regard fidèle. Quand il parlait, elle remuait les lèvres, ayant l’air de boire ses paroles. Si fort était le lien qui les unissait, qu’ils en arrivaient, par une sorte de mystérieux échange, à avoir des gestes identiques. Elle, surtout, retrouvait sans y penser des inflexions de voix, des haussements d’épaules, qui lui étaient habituels.

Les soirs où ils se retrouvaient dans leurs cachettes, elle aimait se blottir sur ses genoux. Se faisant légère et toute menue dans ses bras, elle avait un chuchotement de paroles tendres, pareil à un ronron de chatte. À ces moments-là, elle se gardait bien de lui demander de rester avec elle ; elle affectait au contraire de parler de son départ inévitable avec une résignation, une tristesse si calme qu’il en était tout ému, pénétré d’un frisson de pitié jusque dans les profondeurs de son égoïsme. Alors il se sentait sans