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Puis ils partirent se donnant le bras, émus et rayonnants. Ça faisait un beau couple. Des femmes debout sur leur porte les complimentèrent : ça serait bientôt leur tour.

Ce fut une belle noce, la tête du cortège entrait déjà à l’église, qu’il y avait encore des invités sur la place de la mairie. On avait accompli un à un tous les rites séculaires. Quand le couple des mariés était sorti de la maison commune, un des garçons du village lui avait barré le passage, en tendant en travers de la porte un ruban de soie. Un symbole sans doute, un signe mystérieux, venu du passé, pour protester contre l’enlèvement d’une fille du pays. Alors le marié avait mis dans la main du garçon un louis d’or, et celui-ci lui avait tendu un pistolet, chargé jusqu’à la gueule. Ç’avait été un signal : les détonations ne s’arrêtèrent plus jusqu’à l’église. Des chiens aboyaient, des femmes, sursautant, poussaient des cris d’effroi dans le cortège.

Jeanne, toute blanche sous son voile de mousseline, se détournait de temps à autre, et quand ses yeux rencontraient Marthe, elle lui souriait, puis elle avait un clignement d’yeux complimenteur, en lui montrant Pierre, dont la haute stature dominait tout le cortège.

Quand on revint de l’église, le petit homme rageur qui jouait dans les assemblées prit la tête du cortège. Son fils à son côté soufflait dans un cornet à piston et, quand il reprenait haleine, on entendait toujours la petite musique du violon, obstinée et vibrante comme un chant de grillon, dans les herbes.

La table était mise dans la maison de Jeanne, dans les pièces du fond, donnant sur les jardins. Les chambres se succédaient en enfilade, laissant voir des ran-