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plus molle que les têtes floconneuses des roseaux et les cimes arrondies des saules, et ses mouvements intérieurs se répondaient, se prolongeaient, s’amplifiaient, comme les cercles formés par les gouttes d’eau tombant de l’aviron.

Une seule sensation subsistait en elle, celle de cette eau froide où elle laissait tremper ses mains, et qui, montant jusqu’à son cœur, l’enveloppait d’une caresse insinuante.

Le crépuscule roulait ses vagues sur les panaches soyeux des roseaux. Des brumes, comme il s’en lève des prairies, à la fin des jours de chaleur, venaient flotter sur l’étang assombri, noyant les lointains de leurs plis mouillés, accrochant aux saules des lambeaux d’écharpes frissonnantes.

Les deux hommes parlaient, et Marthe entendait leurs voix, lointaines, affaiblies, comme on entend des voix dans les rêves.

Le vieux Dominique racontait que, de son temps, cette « morte » communiquait avec la rivière, et que la Moselle y coulait, rapide, entre les hautes berges de terre. À preuve, le nom de l’Île aux Charmes qu’on donnait encore à la prairie, longeant ce marais. Il faisait bon y pêcher des gardons et des vandoises dans les remous. Quand on avait construit le chemin de halage, la digue avait fermé la rivière vers le nord, et fait de ces eaux vivantes un vaste marais, plein du pullulement des êtres.

Pierre écoutait, s’intéressait, demandait des détails ; puis la conversation traîna, et mourut, comme gagnée peu à peu par l’ombre grandissante.

Et dans leurs âmes montait cette insaisissable tris-