Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle ne racontait rien à ses parents, voulant garder pour elle son bonheur, savourant doublement la joie de cette réconciliation, à cause du mystère qui l’entourait.

Seulement une satisfaction intense sortait de sa personne, émanait de ses traits, de sa voix, de ses moindres propos.

Elle s’enfermait souvent dans des silences lourds de bonheur et de rêverie, de longs silences avares, qui avaient peur de laisser échapper au dehors les joies dont elle était inondée.

Les vieux n’étaient pas sans se douter de quelque chose. Intrigués, ils épiaient ses gestes, son allure, et ils avaient dans les coins du jardin, quand elle n’était pas là, de mystérieux conciliabules. Seulement ils n’osaient pas l’interroger, respectant son bonheur, comme ils avaient respecté sa tristesse, en vieilles gens qui poussaient l’affection de leur fille jusqu’à l’adoration, qui n’osaient pas non plus se mêler de ces histoires de jeunesse.

En attendant, Marthe allait mieux.

Elle mangeait de meilleur appétit, et ses couleurs lui revenaient. Elle sentait que des fibres menues et délicates se renouaient en elle, qui la rattachaient à la vie. Souvent, au milieu de la journée, elle tombait dans de longs sommeils paisibles, calmants, réparateurs. Des rêves les emplissaient, si légers et si impalpables, qu’ils lui donnaient au réveil la sensation d’avoir côtoyé d’immenses bonheurs, sans pourtant y atteindre : des bonheurs certains que l’avenir lui réservait. Et quand ses paupières s’appesantissaient et qu’elle s’abandonnait à la douceur du repos,