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pas dormi cette nuit-là. J’allais dans les champs comme une âme en peine, et je croyais que ma tête allait éclater à chaque instant. Alors j’ai eu comme une bonne idée, de cueillir un bouquet, et de vous demander pardon.

Il parlait encore qu’elle ne l’écoutait plus, entendant le son de sa voix comme une musique caressante, et son trouble était si grand, qu’elle se serait vainement efforcée, elle le sentait bien, de comprendre le sens des propos qu’il lui tenait.

Elle ne savait qu’une chose, c’est qu’il était revenu. Et tous les tourments, toutes les angoisses des jours passés, toutes les rancunes et toutes les jalousies étaient loin, ne faisaient plus dans sa mémoire qu’un point noir, qui d’instant en instant devenait imperceptible, et sa joie radieuse dissipait ces mauvais souvenirs, comme le soleil pompe les brouillards.

Elle le renvoya de bonne heure, se sentant brisée par toute cette grande joie.

Elle lui tendait son front, mais il chercha ses lèvres dans la nuit. Elle but la saveur nouvelle de ce baiser, qui descendit en elle, profondément.

Il revint le lendemain, le surlendemain, les autres soirs. Ils se parlaient bas dans la nuit claire de mai, vaguement attendris par le charme qui émanait des grands arbres. Une lune rose montait entre les peupliers d’Italie et, tandis que ses rayons obliques dessinaient en sinuosités aiguës les découpures des toits, sur la façade des maisons voisines, entre les pans croulés d’un vieux mur, ils apercevaient un coin de prairie, où s’étalait, comme une eau laiteuse, une brume transparente et pénétrée de lumière.