Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rappelait-il cette année où l’on pêchait à la trouble, les nuits où la Moselle débordait ?

Ils se penchaient, tâtonnant des mains, ayant l’air de chercher des choses, dans la cendre. Et le vent, le vent qui hurlait autour d’eux, qui s’engouffrait dans les couloirs, dans le grenier vide, couvrait de sa grande voix la chanson attendrie, le rabâchage des deux vieux…

Le garde se retira, ayant demandé une dernière fois à Dominique de parler sérieusement au garçon.

Comme il descendait la côte, il entendit un bruit de pas. Il reconnut la haute stature de Pierre, qui venait vers lui, se dessinant dans les ténèbres.

Le garde s’élança, les bras tendus au travers de la route, comme pour lui barrer le passage.

Pierre recula d’un pas, craignant une agression :

— Qui va là ? dit-il.

— C’est moi, Jacques Thiriet, fit l’autre d’une voix humble. Je voudrais te dire deux mots…

— Drôle d’idée, et fichu endroit, par un temps pareil.

— On ne choisit ni l’endroit ni son heure, dit le garde d’un ton sentencieux. Demande au bon Dieu qu’il t’accorde de faire toujours ta volonté. » Puis il continua, d’une voix basse, que l’émotion faisait trembler et qui ressemblait à une prière :

— Écoute, Pierre, ma fille est bien malade. Le médecin dit comme ça, qu’elle est en danger de mort.

— J’y peux t’y què’que chose ?

— Pierre, tu te fais plus mauvais que tu n’es. Vous étiez quasiment promis tous les deux. Elle comptait sur toi, et elle dépérit, depuis que tu l’as quittée pour une autre. Pierre, pense au mal que tu fais. Un moment