Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à sa chambre, elle était forcée de s’asseoir dans l’escalier, le souffle venant à lui manquer.

Un matin, comme elle allait se lever, prise d’une défaillance elle retomba au creux du lit, où l’empreinte de son corps restait toute chaude. À peine eut-elle le temps d’appeler au secours, dans l’angoisse qui faisait battre ses tempes.

La mère Catherine accourut, affolée, la coiffe de travers. Un souffle frêle sortait des lèvres de la jeune fille. Elle lui frappa dans la paume des mains, la releva sur l’oreiller, lui fit respirer du vinaigre. Marthe revint à elle, et eut ce sourire navré, qui depuis quelque temps lui était habituel.

La vieille sanglotait :

— Tu nous as fait peur, ma fille. Ça va mieux, maintenant ? Est-il permis de se manger les sangs, pour un pareil scélérat ?

Marthe secouait la tête avec une lassitude infinie. C’était plus fort qu’elle. Il y avait tout au fond de son être une morne désespérance, un dégoût de vivre qu’elle ne pouvait surmonter.

Elle s’abandonnait, se sentant plus molle et plus légère qu’une plume emportée dans un tourbillon d’orage. Il lui semblait que sa chair se vidait, que ses os étaient creux, qu’elle devenait une chose immatérielle.

Elle ne remuait pas, elle ne parlait pas.

Justement Jacques Thiriet rentrait à la maison, ayant terminé sa tournée plus tôt que de coutume. Il vint dans la chambre où Marthe reposait, tout pâle d’inquiétude, le front coupé d’un grand pli soucieux. Quand la vieille l’eut mis au courant de l’affaire, il prit