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sa maison, se détournant à chaque pas, pour regarder la fenêtre lumineuse.

Le vieux Dominique, qui était couché, ne dormait pas.

— Pierre, fit-il, il y a bel âge que minuit est sonné. Ça ne peut pas durer, une vie pareille.

— C’est bon, père, on sera plus raisonnable.

L’aube pointait quand ils descendirent vers la rivière. Une blancheur tendre envahissait le ciel. Les coqs se répondaient dans les basses-cours, d’une voix rauque.

Pierre n’avait guère dormi, cette nuit-là. Pourtant il se sentait à l’aise dans toute cette fraîcheur éparse sur les eaux et sur la terre. Des vapeurs blanches tournoyaient, emportées par les remous. La lumière grandissait. Bientôt ce fut un flot de clartés roses qui parut inonder le monde. Rose était la barque, et la corde du filet ; roses les eaux, qui reflétaient le ciel vide ; de grandes flammes couraient sur la côte de sapins.

Ce rajeunissement adorable de la terre mettait dans Pierre une sérénité. Quelque chose monta en lui, qui ressemblait à une poussée d’énergie, à une résolution virile.

Les faux se mirent à sonner dans l’étendue de la prairie. On les entendait siffler au ras de terre, coupant les herbes lourdes de rosée.

Marthe allait plus mal, de jour en jour.

À tout moment il lui prenait des éblouissements et des vertiges. Le moindre mouvement lui causait des palpitations de cœur intolérables. Quand elle montait