Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il reprit :

— Le vieux est plus avare. Et puis, on n’est pas une paire d’amis, nous deux. Y grogne quand je passe auprès de lui, vu que je ne travaille pas. Y répète que le bien dépérit, quand y a plus de maître pour le surveiller…

On ne l’écoutait plus.

Ils luttaient maintenant et jouaient à des jeux brutaux, poussés par ce besoin de montrer leurs forces, de tendre leurs muscles qui s’empare des paysans à la fin de leurs ripailles. Ils plaisantaient d’abord et s’attaquaient mollement, puis, se piquant au jeu, s’empoignaient à vif, et se détachaient des bourrades à assommer un bœuf. Des corps roulaient, un flot de poussière montait du plancher vermoulu.

Pierre voulait leur montrer des tours de force.

Minuit sonna tout à coup. Il fallait déguerpir, par crainte d’une contravention que le garde champêtre aurait pu dresser au propriétaire de l’établissement.

L’orage avait pris fin. Les ruisseaux gonflés coulaient dans la nuit, roulant de grosses pierres sur les dalles des caniveaux. Au fond du val un croissant de lune se noyait dans des nuages noirs. Des odeurs de terre mouillée et de plantes épanouies sortaient des jardins. De grands souffles passaient, charriant l’haleine des végétations trempées de pluie, qui vivent d’une vie plus forte, après l’accablement des jours.

Une faible lueur veillait encore dans la chambre de Marthe. Une ombre inquiète passait devant les rideaux. Toutes sortes de regrets flottaient dans la pensée de Pierre, dissipant les fumées de l’ivresse. Que pouvait-elle faire à cette heure ? Il eut honte de lui et il regagna