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Autour d’elle, les choses retournaient peu à peu au néant. Les masses des saules et les lignes de peupliers s’endormaient, et dans ce silence il lui semblait entendre monter un cri, le cri de sa douleur qui veillait, implacable.

Entre ses berges immensément reculées, la rivière était devenue une grande chose mouvante, dont le glissement emplissait l’ombre. L’eau se faisait attirante, mystérieuse et douce. Des voix s’éveillaient dans l’insaisissable chuchotement des roseaux, et ces voix parlaient d’oubli, de repos, de sommeil.

Il fallait rentrer.

Elle revenait lentement vers le village, l’esprit perdu dans des rêveries.

Elle voyait d’avance toute la destinée de résignation et de solitude qui l’attendait. Elle ne pourrait pas se décider à en épouser un autre. Elle deviendrait une vieille fille, comme il y en avait quelques-unes dans le village, une de ces vieilles filles qui vieillissent doucement dans une petite chambre donnant sur les jardins, qui se coulent sans bruit le long des murs, propres, décentes, toujours vêtues de noir, comme si elles portaient le deuil de leur propre vie. Un jour on les trouve mortes, et aucun foyer, aucun souvenir ne s’aperçoit du vide, creusé par leur mort.

Sans qu’elle s’en rendît bien compte, elle souffrait encore de sentir autour d’elle la caresse de ces nuits tièdes, faites pour l’amour. Des coups de vent pas-