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Devant eux s’ouvrait un large cirque de cultures où les seigles déjà grands, creusés par les souffles du soir, ondulaient comme des vagues vertes ; une sérénité adorable tombait sur les champs, à l’approche de la nuit.

Tout à coup, ils virent Poloche débusquer des taillis à quelque distance. Sa grande hotte, balancée à ses épaules, amplifiait encore le rythme cahoté de sa démarche. Il vint s’asseoir près d’eux. Par hasard, il n’était pas ivre ce soir-là, et ses traits calmes, sa figure fruste avaient un air de gravité, comme si c’eût été un homme tout différent, quand le vin ne le travaillait plus.

— Comme ça, on prend le frais, dit-il.

Puis, sans attendre une réponse, il s’adressa au garde :

— Vous qui êtes malin, monsieur Thiriet, et qui connaissez tous les bois, vous savez t’y parler aux bêtes ? Moi, mon père m’a appris ; regardez un peu, pour voir…

Déjà il s’était couché dans le fossé, vautré parmi les feuilles sèches, sous les branches des houx épineux. Dans l’obscurité, on ne distinguait plus son corps, confondu avec la couleur grisâtre de la terre.

— Bougez pas, fit-il à voix basse, cachez-vous bien.

Et l’on entendit soudain un petit cri aigu, perçant, qui avait l’air de raser la terre, de partir des feuilles sèches doucement remuées. Par moments, cela se taisait, puis ce cri repartait, plus vif, comme si une souris se fût promenée d’un pas menu sur la terre.

Tout à coup, quelque chose de noir sortit du couvert des grands arbres, sans qu’on pût voir d’où cela ve-