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Elle secouait lentement la tête, avec ce geste de résignation et de tristesse infinie, qui lui était habituel. Ses mains, ses pauvres mains osseuses nouées à ses genoux, elle dévisageait Marthe avec bonté, cherchant une parole de consolation qu’elle ne trouvait pas. Ses cheveux collés à ses tempes avaient l’aspect du chaume lavé par la pluie ; sa face parcheminée, ses yeux sans regard, usés par le travail et les larmes, étaient pleins d’une morne stupeur ; toutes ces idées tournoyaient lentement dans sa cervelle, comme une meule, et lui apportaient une sorte d’hébétement…

Elle se prit à prononcer des mots vagues, des paroles sans suite, qu’elle répétait d’une voix monotone, comme pour endormir cette douleur, qui veillait à côté d’elle :

— Que veux-tu ? Ma pauvrette, faut se faire une raison… On n’est pas pour si longtemps sur cette terre… Le chagrin, ça passe… On est heureux, quand on a les siens autour de soi…

La petite Anna, ayant cueilli une branche menue de saule, s’amusait à fouetter l’eau brillante de la source. Amusée par ce manège, elle riait. Puis, la vieille et l’enfant partirent.

Quand le garde fut de retour, ils reprirent leur course à travers la forêt. Ils descendaient les pentes rocailleuses, où poussent dru les cornouillers et les charmes. Des vipères glissaient sournoisement parmi les feuilles ou se dressaient, en sifflant, sur des rocs éclaboussés de soleil, chauffés à blanc. Le sentier était si raide qu’il fallait se retenir aux branches et parfois des pierres, qu’ils heurtaient, roulaient à grand bruit, entraînant des monceaux de terre, des amas de