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pourras t’amuser à cueillir des fraises, dans le taillis.

Elle ne dit pas non. Avec cette lenteur lassée qu’elle mettait depuis quelque temps dans tous ses gestes, elle se coiffa de la fine « hâlette » de toile blanche, tendue sur des brins de saule. Par les jours de chaleur, cette gracieuse coiffure, sur la tête des filles de Lorraine, met autour de leurs traits fins la palpitation de sa blancheur.

Bien des fois, elle fut forcée de reprendre haleine dans les chemins montants, le long des pentes caillouteuses.

Ils arrivèrent dans le bois. L’herbe des allées était lourde de rosée. Des souffles frais, venant du fond des taillis, roulaient pêle-mêle des odeurs de terre mouillée et de feuilles mortes. Des masses de feuillages d’un vert lourd remuaient vaguement sur leurs têtes. Des oiseaux chantaient. Et comme le soleil était encore très bas sur l’horizon, la lisière du bois était pleine de clartés mouvantes.

Assise sur une borne moussue, Marthe respirait longuement cet air pur, baigné de l’arome des végétations épanouies. Un parfum de muguet vibrait délicieusement : elle chercha et finit par découvrir les clochettes blanches, amoncelées au bas d’une pente, parmi les feuilles sèches.

Le vieux garde, lui, avait l’air d’être devenu un autre homme. Il ne tenait pas en place, et sa grande faux allait et venait, émondant les jeunes pousses, taillant les branches folles, qui formaient des arceaux arrondis au-dessus de la tranchée. À quelques pas, celle-ci se perdait dans un lointain adorable, un peu de jour verdâtre filtrant à travers les feuillages doucement remués.