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rangés des morceaux de saindoux et d’énormes tranches de lard. La marmite était posée sur trois pierres, noircies de fumée ; une vapeur blanche en fusait, soulevant le couvercle.

Il faisait bon dans cette cabane, bâtie avec des perches serrées l’une contre l’autre et réunies à leur sommet, de manière à former un pain de sucre. De la glaise battue et des mottes de gazon la recouvraient. L’ombre y était fraîche et accueillante. Des caisses, faites de planches grossièrement équarries, étaient remplies de fougères et de feuilles sèches. Par le carré de la porte, on voyait tout un coin de forêt, qui s’endormait dans la poussière chaude du couchant.

La vieille avait apporté des verres et une bouteille d’eau-de-vie.

On but et on parla de toutes choses, du prix des denrées et de l’état des récoltes, dans les territoires avoisinants. Le charretier, qui venait de la ville, savait des nouvelles et ne demandait qu’à parler. Les charbonniers s’exprimaient avec lenteur, cherchant leurs idées et pesant tous leurs termes, en hommes qui passent leur vie dans la solitude des bois, et n’ont guère l’occasion de bavarder.

Le garde forestier ne disait rien, mais il avait une façon à lui de renifler son verre d’eau-de-vie, de le regarder avec une tendresse significative : on eût dit que son nez s’allongeait pour flairer la bonne chose. Sacré père Thiriet ! celui-là ne pouvait pas dire qu’il n’aimait pas la blanche ! Tout le monde se mit à rire, lui comme les autres.

Tout de même, quand on s’adressait à lui, il y avait une nuance de considération et de respect, le respect