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La maison du garde, maintenant, ressemblait à un coin de forêt.

Tous les jours, Jacques Thiriet rapportait quelque bête ou quelque fruit. C’était, dans la grande cuisine, des promenades d’animaux capturés, se cachant sous les meubles, au moindre bruit : un geai piaillait dans une cage, un hérisson tantôt se roulait en boule, et tantôt égratignait le plancher de son trottinement menu ; un jeune renard, enchaîné au pied de la table, cherchait à mordre, dès qu’on l’approchait.

On respirait une odeur pénétrante de fruits sauvages, mûrissant sur les rayons du placard.

Il savait, ce vieux garde, dans quel tronc de chêne creux les abeilles faisaient leur miel, et il le dérobait. On en remplissait des pots : c’était un miel sucré, noirâtre, qui sentait les fleurs des bois, et dont l’odeur vous montait à la tête, comme un vin fort.

Mais il récoltait surtout des champignons, au fond des combes où l’air est étouffant, où la terre grasse suinte sous les mousses. Il en rapportait de pleines gibecières ; les uns étaient jaunes et gorgés de sèves laiteuses, portant de fines collerettes qui s’écaillaient au contact des doigts ; d’autres, striés de rouge, étranges, inquiétants, avaient l’air de suer des poisons. La mère Catherine protestait, déclarant que « tout ça était bon à jeter au fumier » et « qu’on s’empoisonnerait un jour, avec de pareilles denrées ». Mais le garde s’entêtait, les faisait cuire, les mangeait tout seul, ayant l’air de les savourer. Et il ne s’en portait pas plus mal.