Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas qu’y se permet de lever la main sur moi : un soldat français ! La moutarde me monte au nez, et je lui allonge une raclée, mais une de ces raclées !… Et pour ne pas être en reste avec lui, car y m’agonisait dans son langage de mauvais chrétien, je lui disais en lui tapant dessus : tiens, sidi, tiens, cochon d’sabir, attrape ça, chouia barca ! À la fin, y n’voulait pu rien savoir. Alors moi, je suis parti tranquillement, en fumant mon cigare.

Il se tut un moment, jouissant des gros rires qu’il soulevait. Puis considérant le moignon de pipe, qui fumait dans sa main, il reprit :

— Quel pays ! J’ai jamais vu du tabac si bon et si fin. J’en avais toujours au moins deux livres, dans une boîte de fer-blanc, sous la pattelette de mon sac.

Il continua, défilant le chapelet des souvenirs.

— À l’endroit où que j’travaillais, y avait aussi une belle femme qui me regardait de loin, une belle brune qui avait des yeux, je ne vous dis que ça. Elle se tenait à une espèce de balcon, et moi, ça m’intriguait, vu que c’est rare, les femmes, dans ce pays où on les tient enfermées. Je lui lançais des petits coups d’œil en clouant mes plaques de zinc. V’là que ma particulière s’enhardit au bout de quelques jours : « Paris, Paris, » qu’elle me disait, comme ça. Moi, je n’en étais pas de Paris, mais pour faire le malin, j’y répondais : « Chouette ville, t’y viens t’y, fais pas ta Sophie ! » Et on riait tous les deux, en se regardant, sans trop comprendre ce qu’on se disait. Mais tout ça n’avançait à rien. Entre temps, moi, fine mouche, j’avais fait la connaissance de son homme, qu’était quelque chose comme charron. V’là qu’un soir, je pousse une pointe et je m’emmanche