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innombrable des bêtes sorties de terre, à la première chaleur.

Les deux pêcheurs assis sur le banc, les bras nus et le col de la chemise entr’ouvert, respiraient la fraîcheur. Le vieux Guillaume, installé auprès d’eux sur la terre, tenait entre ses jambes de bois une « charpagne » d’osier, dont il tressait le fond. Dépouillées de leur écorce, les tiges paraissaient très blanches dans la nuit.

Il ne savait que faire pour se rendre utile, et jamais on n’aurait pu croire qu’un infirme fût bon à tant de choses. Jamais la maison n’avait été mieux tenue. Il ne perdait pas un moment : il allait et venait dans le logis, frottant les vieux meubles. Il avait bêché le jardin, on ne savait trop comment, prenant un point d’appui sur sa béquille, maniant la bêche d’une seule main, car si les jambes étaient parties, la poigne restait solide. Il y avait planté de grands carrés d’oignons et de laitues, qu’il arrosait lui-même, à la fraîcheur du soir.

On écoutait Poloche, qui racontait ses campagnes. Il se tenait au milieu du chemin, tout droit dans sa blouse de toile grise comme en portent les marchands qui vont dans le pays. À peine s’il avait bu un coup de trop ce jour-là, de quoi se rafraîchir les idées. Cela s’apercevait seulement à sa casquette tombant sur l’oreille. Il fumait sa courte pipe de bois, et comme, dans sa narration, il la laissait éteindre, il ne s’arrêtait pas de la tasser du pouce d’un geste machinal, et de faire flamber des allumettes, dont les bouts blancs jonchaient le sol.

Cela faisait dans son récit de longues pauses ; alors