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Renaude. Une fille qui avait mauvaise réputation et dont la mère passait pour un peu folle. Pas jolie, mais ayant un certain charme agaçant qui affriolait les hommes, avec ses gros yeux ronds et jaunes, son nez trop court et ses cheveux luisants. Et mise avec un goût tapageur : des étoffes voyantes à carreaux qui lui donnaient l’air d’une enseigne enluminée.

On la rencontrait quelquefois les dimanches en compagnie de soldats, descendus des forts voisins.

Pierre la faisait pivoter comme une toupie et il riait aux éclats, montrant un certain sans-gêne à son égard. Elle s’abandonnait, souriante et bercée, fière d’avoir ce beau garçon pour danseur.

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Marthe suivait la sente rocailleuse. Les clartés obliques du couchant pénétraient dans le bois. Des voiles de pourpre flottaient entre les branches des grands hêtres, mordorant leurs troncs moussus. Les bourgeons vernissés les embrumaient d’une vapeur végétale rousse, baignée de lumière. Des odeurs fines de violette sortaient du fond des taillis.

Elle allait, savourant ce silence qui s’épaississait autour d’elle. La paix du soir favorisait étrangement sa rêverie d’amour.

Toutes choses, autour d’elle, lui apportaient d’indicibles bonheurs, le craquement léger des feuilles sèches, les souffles qui voletaient autour de ses tempes, la rafraîchissant d’invisibles caresses.

Elle se retourna.

La vallée à ses pieds était emplie d’un tournoiement de lumière blonde et la côte de sapins, noyée dans une poussière d’or, semblait reculée jusqu’au fond extrême