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et dans cette préoccupation les variations du temps lui restent non avenues. Il ne s’intéresse qu’au Dieu et à l’Homme de tous les temps, qu’aux vérités de tous les temps. Il a l’horreur de la nouveauté, et s’il est pourtant lui-même une nouveauté merveilleuse, à ce point de vue, qu’il aurait méprisé, de la beauté littéraire, il se complaît à répéter grandiosement les mêmes affirmations, à opposer l’affirmation comme un mur d’airain aux doutes du siècle. Il est debout comme Moïse sur le roc de sa foi ; cette foi, il la défend des erreurs intérieures, il la garde dans son intégrité divine contre l’esprit maudit de la division ; mais, comme Moïse encore, ses soins ne sont qu’au Peuple Choisi qu’il protège avec vigilance contre l’hérésie y contre le Protestantisme ou le Quiétisme : quant aux Gentils, aux Incrédules, il s’étonne (dans tout le grand sens qu’il gardait à ce mot) qu’ils puissent avoir lieu, ne conçoit pas la possibilité de discuter avec eux, écrase de son ironie éloquente le naissant esprit de science et de critique et le condamne avec cette brièveté significative : « Il manque un sens aux incrédules. » — Si ce n’est tout à fait la même entité humaine que celle de Bossuet et de Descartes, c’est du moins, encore une entité idéale que Racine voit dans l’homme. Il a, lui, la notion de l’homme moderne, de la passion moderne : mais l’être de cet homme moderne et passionné