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en agonie et qu’il ne lui faut rien moins que la cruelle saignée de la Réforme pour reprendre quelque vitalité. Encore sera-ce désormais une vie en guerre, et d’ailleurs les heures ont été brèves de la douce beauté chrétienne. Le Moyen-Âge « énorme et délicat[1] », cette reculée bleue et noire à travers les siècles, nous apparaît comme un tragique désert avec des instants d’oasis ; chevaleresque, poétique aux Croisades, mais atroce sous tant de lâches bandits qui sont des Rois ! rouge de feu, rouge de sang durant l’Inquisition. En somme une longue nuit traversée de radieux météores, excessive de ténèbres et de lumière ; de rares héros, mais qui tiennent dans leurs mains des peuples entiers ; de rares idées, mais que des foules innombrables acclament et accomplissent ; de rares docteurs, mais une multitude de disciples… — Au XVIIe siècle[2] français, catholicisme et protestantisme — rameaux greffés sur le grand arbre chrétien — n’ont, l’un et l’autre, plus guère de vie qu’en vertu de la première, si lointaine poussée

  1. M. Paul Verlaine.
  2. Il faudrait s’arrêter au XVe siècle de la Peinture, en Italie. La foi, vive, générale, indiscutée était le principe de toutes ces floraisons de chefs-d œuvre. Mais on n’entend point faire ici une revue historique complète, et les décadences simultanées de l’Art et de la Foi ont paru d’une démonstration plus probante. — D’ailleurs on se maintient dans tout ce livre au point de vue exclusivement français, ne parlant d’un poëte étranger que s’il a eu sur nous une influence notable.