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joies du Rêve ? — du Rêve, c’est-à-dire de cet Au-delà où se recule et s’estompe l’Affirmation éblouissante et qui nous aveuglerait, trop proche, tandis qu’elle gagne à cet éloignement plus de profondeur et de ces lointaines résonances qui entraînent l’esprit dans le toujours plus loin.

Dans cette acception du Beau, n’est œuvre d’art que celle qui précisément commence où elle semblerait finir, celle dont le symbolisme est comme une porte vibrante dont les gonds harmonieux font tressaillir l’âme dans toute son humanité béante au Mystère, et non pas s’exalter dans une seulement des parts du composé humain, et non plus dans l’esprit seulement que seulement dans les sens ; celle qui révèle, celle dont la perfection de la forme consiste surtout à effacer cette forme pour ne laisser persister dans l’ébranlement de la Pensée que l’apparition vague et charmante, charmante et dominatrice, dominatrice et féconde d’une entité divine de l’Infini. Car la forme, dans l’œuvre ainsi parfaite et idéale, n’est que l’appât offert à la séduction sensuelle pour qu’ils soient apaisés, endormis dans une ivresse délicieuse et laissent l’esprit libre, les sens enchantés de reconnaître les lignes et les sons primitifs, les formes non trahies par l’artifice et que trouve le génie dans sa communion avec la Nature. Ainsi entendu, l’Art n’est pas que le révélateur de l’Infini : il est au Poëte un moyen même d’y pénétrer. Il y va plus profond