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tôt ouvrir, niant ainsi le néant dans son plus apparent triomphe.

Mais dans le pur domaine des réalités spirituelles, l’unique unité vivante de nos âmes dans l’Absolu éclate comme une évidente victoire de l’Un et de l’Éternel sur le multiple et le transitoire. Dès que nous disputons au soin terminé quotidiennement et quotidiennement recommencé notre essence par les préférences d’une permanente occupation de notre pensée, le temps s’efface, la veille et le sommeil se confondent dans le haut souci dont nous avons fait notre motif de vivre. Le livre, l’objet d’art, la phrase musicale, la pure pensée elle-même — je dis avant même son expression formelle — sont des éternisations du Moi. C’est que nous en faisons autant de moyens de dégager notre Moi des contingences et c’est qu’aussi, par là même et dès qu’il échappe aux contingences, le Moi humain recourt — comme une vive branche ployée reprend l’attitude verticale dès qu’on l’abandonne à sa liberté naturelle — au foyer de l’Absolu, au lieu métaphysique des Idées, à Dieu[1].

  1. Quoique en ce livre de seule Esthétique — pourtant d’Esthétique fondée sur la Métaphysique — on entende autant que possible s’abstenir de purement philosopher, il faut bien donner une approximative définition d’un mot qu’on emploiera plus d’une fois et qui, dans le sens principal où il est pris ici, n’est pas indéfinissable. — Dieu est la cause première et universelle, la fin finale et universelle, le lien des esprits, le point