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Supposé maintenant que ce récit soit fait par le frère-même de l’Ange à un Poëte dans un Paysage qui écoute et qui a des voix, — la Fiction du Poëme est complète.

III. SYNTHÈSE DANS L’EXPRESSION.
SUGGESTION.


Exprimer de sorte directe cette fiction et, sauf les développements, comme je viens de le résumer, dans le style narratif, ne serait pas de l’art, ne livrerait la pensée qu’à condition de la formellement dire, n’aurait donc point plus d’effet — puissance et beauté — que l’énoncé abstrait de cette pensée : « L’Art est une délivrance. » Ce qu’il faut, c’est communiquer la joie de cette délivrance ; c’est éployer ces ailes par des syllabes qui montrent, à la fois, la lumière y jouer blanche et d’argent, et fassent entendre l’élastique et l’harmonieux frisson des plumes ; c’est faire vivre, autour du mystique captif, ces visages inquiets, contradictoires, avec leur unique secret dans toutes leurs pensées, dans toute leur physionomie ; c’est, dans la même maison, faire sentir l’action contraire de l’esprit d’affirmation et de l’esprit de négation, presque également puissants ; c’est, l’union occulte de la mère et du fils, en noter par le bruit des mots les battements de cœur, les caresses rêvées ; c’est, ce paysage entre cet homme et le poëte, toute la vie des choses à dresser, qui proteste contre la