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déclare, s’affirme, s’affiche, légalement, naturellement. On connaît aujourd’hui une « profession d’homme de lettres », une profession qui tient le milieu entre l’avocat consultant et le maître à danser, une profession pas trop libérale, assurément, — et la notion même est effacée de l’état exceptionnel où doit être un homme pour en venir à ce parti — en soi étrange — d’écrire des choses qui n’aient pas l’utilité immédiate et visible d’une lettre ou d’une plaidoirie. — Mais c’est surtout au théâtre que l’illogisme érigé normal, la folie passée proverbiale, s’accentuent, incontestables. Tous les talents importent à lœuvre dramatique telle que nous l’applaudissons, le talent de l’acteur d’abord et avant tout, puis le talent du metteur en scène, le talent du décorateur et, je pense aussi, le talent du souffleur, tous les talents, — excepté le talent de l’auteur, sorte seulement de matière première qu’on met en œuvre, dans une collaboration — comique si ce n’était au fond si triste ! — de l’imprésario, de l’acteur et enfin de l’auteur avec, pour double critère de succès, la nature personnelle, les qualités individuelles du geste et de la grimace du comédien, et la connaissance, l’expérience que possède le directeur quant au « goût du public » : le tout fidèlement, scrupuleusement, honteusement accommodé sur commande par celui qui est devenu le valet de tout le monde, le Poète ! Il y a des exceptions qu’il faut se hâter de dire,