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gereuse que tous les hasards cette soumission de l’artiste à d’autres lois, justement, que celles de son instinct réglé par sa conscience. Il y a quelque chose de pénible pour l’Art et d’humiliant dans cette pensée que, l’œuvre de génie, le savant pourrait la mesurer avec son compas aveugle et décréter, l’épreuve faite et sans recours : « C’est beau, » ou

    cherches, mais j’avoue que leur utilité dans la pratique de l’Art m’échappe absolument. Je ne vois guère un Poète consultant la « classification des rhythmes » avant de risquer une métaphore. Notre expression est le symbole de notre rêve, notre rêve est le symbole de notre pensée ; tout vient, tout rayonne d’elle : l’émotion totale de sa vie secrète, voilà ce qu’il faut avoir et ce que, semble-t-il, risque d’altérer tout procédé scientifique. Non plus ne verrais-je un peintre, avant d’oser une teinte, consulter le Cercle chromatique. — Mais M. Charles Henry ne prétend point subordonner la création artistique aux principes de l’esthétique scientifique : « La science, dit-il, ne pourra jamais créer la beauté, je parle de la science relative et je n’étudie pas la question de savoir si les termes de science absolue n’impliquent pas contradiction. Le sentiment de la beauté se résout dans la perception d’un nombre infini de rhythmes, avec le moindre effort possible, c’est-à-dire dans l’infiniment petit du temps. Or, ce sont des éléments que nous n’avons pas en notre pouvoir. De même que la beauté d’une figure géométrique se résout dans le sentiment de sa formule, le sentiment de la beauté d’un être ou d’une forme se résout dans le sentiment de sa formule qui n’est qu’un cas particulier de la formule universelle. Pour réaliser la beauté, il faudrait posséder la formule universelle : serait-ce la connaître ? Et le jour où elle sera près de poser le problème, l’humanité ne retournera-t-elle pas par là-même à l’inconscience de la Nature ? » — Pourtant, selon toujours M. Charles Henry, la science « doit épargner à l’artiste des hésitations et des essais inutiles, en assignant la voie dans laquelle il peut trouver des éléments esthé-