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rien au hasard dans l’œuvre artistique, conseillent à la Beauté une singularité mélancolique, logique et fastueuse, expriment l’inexprimable, montrent comment la poésie peut s’ouvrir à la psychologie, et que c’est à l’expresse condition d’outrer « le mystérieux, le satanique, l’horrible, l’angoissant des traits de l’âme, en s’abstenant presque de les décrire, en les grandissant ainsi et en laissant porter de tout son poids leur sombre et magnifique effroi[1], » prouvent donc par l’exemple-même que la vraie poésie est l’Idéale ; instaurent en art la notion fondamentale de l’Exceptionnel ; trouvent le vers moderne ; sont avec Flaubert et M. Leconte de Lisle les derniers veilleurs de la vigile triste que suivra la fête joyeuse de l’Art maître de tous ses moyens. — Flaubert fixe la prose des idées générales, — Sainte-Beuve invente, pour exprimer les nuances des sentiments, le priricipe de la langue personnelle. — M. Leconte de Lisle, comme Flaubert en prose, fixe la langue des idées générales en vers ; comme Flaubert encore, donne le signal du retour aux Origines, et tous deux, par leur plainte plus intense mais plus belle esthétiquement que celle de leurs prédécesseurs, inaugurent la consolation par la Beauté, germe d’une religion esthétique. — M. Théodore de Banville rend à l’Art son véritable caractère, qui est la Joie, assigne à la Poésie sa régie dans l’Ode et sa régulatrice

  1. Émile Hennequin.