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de les dépasser, accusant un Tite Live de patavinisme pour n’accommoder pas strictement son style à la mode romaine. — Mais écrire de la littérature pour tous, aujourd’hui : que veut-on dire par là ? On imprime pour tous ceux qui savent, en quelque sorte, physiquement lire : on ne peut écrire pour tous, en ces temps modernes où les patries d’âmes vont se multipliant tout ensemble et creusant les fossés qui les séparent. 89 ni 92 n’y ont rien fait, que peut-être mêler les classes : elles sont toujours. Il y a toujours les aristocrates et les manants, ce sont les dilettanti et les autres ; et peu importe si c’est parmi les manants d’autrefois qu’il y a le plus d’aristocrates de ce nouveau régime, ils sont clairsemés sous le nouveau comme sous l’ancien. Écrire pour le Public ! Ces mots n’ont pas de sens, car il n’y a pas un Public et ce n’est que par une fiction et pour faire plus court que j’ai pu emprunter ce mot à son pluriel nécessaire : il y a des publics, il y en a autant qu’il y a de différences parmi les hommes dans les fortunes, les professions, les hérédités, l’éducation, etc, et cela se divise et se subdivise à l’indéfini. Chaque infinitésimale catégorie de lecteurs constitue un public qui a son romancier, son dramaturge, son chroniqueur et son critique, et d’un public à l’autre s’échangent des jalousies, des mépris. Le public de M. Octave Feuillet regarde d’assez haut, non sans raison, le public de M. Alphonse Daudet ; mais le