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la voir courir d’un bout à l’autre de sa carrière en gueusant à des imitations diverses des bouts d’originalité. M. Richepin en est une expression assez complète. Qui d’abord imite-t-il ? Villon, Baudelaire, Victor Hugo, M. de Banville, — avec une extrême adresse et dans l’allure quelque chose de « fendant » dont est flatté bourgeois qui, suivant sans le vouloir le divin conseil, aime qu’on le méprise. Il continue : qui encore imite-t-il ? Toujours V. Hugo, et de plus Lucrèce et MM. Leconte de Lisle, Coppée et Verlaine. Les premières imitations, du temps qu’il était gueux ; les secondes, depuis qu’il est athée. Mais aujourd’hui, cette fièvre d’être un autre pour être quelqu’un devient pitoyable. M. Richepin, oui, cet athée ! se fait mystique, sentant d’où le vent souffle ! il sent que les générations nouvelles ont la passion des causes et des fins, le goût du mystère : il s’est fouillé, — il a cette passion et ce goût aussi, comme nous autres ! Il y a quelques mois, dans une revue, je lisais de hasard des vers de lui ; c’était banal, mais mystique ! gros de forme et grêle de fond, mais mystique ! Il vient, dit-on, d’écrire un livret d’opéra : titre, Le Mage. C’est de la prévoyance, c’en est trop, car c’est de l’ambition creuse, et c’est dommage, car plus modeste M. Richepin eût écrit de bons livres. Il y a de belles pages dans Madame André, de gais et singuliers refrains, desquels presque toujours pourtant la brutalité choque,