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MM. Villiers de l’Isle-Adam, Hüysmans, Mme Judith Gautier n’ont que la prose. M. Verlaine est un prosateur très exquis, mais enfin le vers est sa langue naturelle, celle à laquelle il a commis ses seules importantes entreprises artistiques. — Un Poëte eut la prose et les vers : M. Arthur Rimbaud. Il a, comme dit admirablement M. Verlaine[1], à qui nous devons de le connaître : « L’empire de la force splendide. » Le Bateau Ivre et Les premières Communions[2], sont, dans des genres très différents, des miracles sans pairs. Science absolue des secrets du Vers, musique et peinture, métaphysique profonde et vie intense, il a tout. — Brusquement, il parut renoncer aux vers pour écrire, en prose, de magnifiques fragments : Les Illuminations, Une Saison en Enfer. Mais sa prose a trop les qualités de ses vers : ce sont des vers encore, cette prose, vers de toutes mesures, et qui ne riment pas, et qui vont plus loin que les vers rimes qu’ils semblent appeler, prose et vers qui ne songent pas encore à se prêter à l’alliance nécessaire, à la combinaison d’un commun effort pour un total effet.

  1. M. Paul Verlaine : Les Poëtes maudits.
  2. Ces quatre vers qui feront peut-être comprendre que j’admire :
    Adonaï ! dans les terminaisons latines
    Des cieux moirés de vert baignant les Fronts vermeils.
    Et, tachés du sang pur des céleste poitrines,
    De grands linges neigeux tombent sur les soleils