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derne tout entier. Parfois ces deux courants semblent se séparer — jamais pour longtemps : il y a du mysticisme dans les Fêtes Galantes, il y a du sensualisme dans Sagesse. Et c’est en l’union même de ces deux inspirations que consiste la modernité de Verlaine. Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre[1]. » Pour lui, point de Fiction jamais, sans cesse les éléments d’éternité de la Vie elle-même. — « Parce que l’homme, en Verlaine, est une exaltation, une exaspération de l’homme moderne ; il a pu, sans consulter d’autres documents que ceux de sa propre destinée, accomplir le monument d’une œuvre personnelle à nous tous et qui, le héros disparu, ira s’objectivant de plus en plus et laissera l’écho du plus profond gémissement de la moderne âme humaine. Mais il lui a fallu toute cette intensité précisément et toute cette simplicité pour parvenir sûrement à cette belle fin. N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus luche il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des ruines, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’Instinct triomphant qui n’a

  1. Charles Morice : Paul Verlaine.