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traite plutôt de singularités les Beautés nouvelles. Dans En Rade l’hésitation n’est pas tranchée encore, le Rêve et la vie se côtoient et le Rêve consiste surtout en des rêves qu’attristent des souvenirs de la vie. Mais pour elle, pour cette vie atroce, jamais Poëte n’avait si cruellement, si fastueusement aussi, proféré son horreur. C’est une fureur mortelle, d’autant plus effrayante qu’elle est plus juste, d’autant plus amère qu’elle se borne davantage à la contemplation unique des objets de terreur, de fureur et de dégoût. On ne peut longtemps endurer ce supplice intérieur, surtout si déjà connut-on les consolations de la Beauté. Or, M. Hüysmans est le familier des littératures tendant à franchir leurs limites et le fanatique de certains suprêmes artistes, tels que M. Gustave Moreau. À propos de ce peintre il y a, dans À Rebours, quelques unes des plus belles pages que M. Hüysmans ait écrites, de celles qui justifient pleinement M. Francis Poictevin dédiant ses Derniers Songes à J.-K. Hüysmans « l’écrivain si aigu et si fastueux ».

Madame Judith Gautier est peut-être, de cette génération, l’âme la plus uniquement poétique, la plus fière, et, au delà de toutes passions, dans sa patrie de rêve, la plus calme. Chez elle aussi la Fiction, quoique elle s’attarde en des pays nommés, à telles dates, n’a plus rien d’historique et de géographique. La Fiction, c’est l’atmosphère