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déjà les lumières mystiques des Révélations et n’a pas encore attisé le feu, mystique lui aussi, des croyances conquises par la science. Il cherche, il doute ; peut-être n’a-t-il pas le désir de croire…

M. Barbey d’Aurevilly, au contraire, est le bon chevalier des croyances anciennes. C’est l’esprit moderne resté fidèle aux Évangiles et n’admettant qu’à leur contrôle l’avis de la Science. Volontiers il la raille et lui jette le défi d’expliquer les mystères qu’elle constate. Pourtant, lui aussi est agité du grand émoi et lui aussi dans les visages, presque indifférent aux directions des traits, est pris tout entier par cette tragi-comédie des larmes et des sourires. Mais où M. de Goncourt observe, avec une curiosité qui ne pense pas à conclure, un état et de réciproques influences du milieu social et de l’organisme physique, M. Barbey d’Aurevilly, dont le regard, sinon plus sûr, car il n’a pas le juste respect de la Science, dumoins plus éclairé, puisqu’il sait qu’au fond de ces ombres épaisses il y a des clartés surhumaines, voit Dieu. Le grand tort de ce Dieu personnel, c’est que c’est un mot toujours trop tôt dit, un mot qui a surtout l’autorité oppressive d’une défense d’outrepasser, une porte fermée sur l’Au delà. Et cette porte, toute belle et grandiose qu’elle soit, encore parée des mystérieuses sculptures gothiques, l’Esprit Moderne a déclaré qu’il voulait la briser pour aller plus loin, pour voir plus loin dans l’immense