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le vieil autrefois conservait et adorait ? La Critique moderne ne permet plus qu’on croie à des choses incroyables, et pourtant l’esprit moderne comme l’esprit ancien, reste avide de beaux mystères : comment n’a-t-il pas compris, Wagner, que, puisque la religion ne peut vivre pour l’art qu’autant quelle voile son élément de vérité sous un entassement toujours croissant de choses incroyabes, et puisque, cependant, les hommes ne veulent plus que ces belles chimères soient proposées à leur raison, c’est à leur imagination seulement qu’il faut les offrir ! que ces choses incroyables, merveilleuses, qui lui servent à laisser à la vérité sa perspective d’adorable éloignement, d’accessibilité toujours future, reviennent à l’Art, non pas en conséquence et comme au serviteur de tel Évangile, mais en principe et en propre ! La doctrine de Wagner, sur ce point, tout au plus serait-elle admissible, contemporaine d’une religion triomphante, — alors que…

Des révélateurs de moins larges ensembles et de plus aiguës directions : Edgar Poe, Baudelaire, — illustre et double vigile de la Fête sacrée.

C’est un déjà vieux fait, qu’Edgar Poe, à peine révélé en France[1], y trouva comme la patrie naturelle de sa gloire, orpheline en sa vraie, vraiment

  1. La version française de l’Œuvre d’Edgar Poe est enfin achevée par la magnifique traduction que M. Stéphane Mallarmé vient de nous donner des Poëmes.