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dire « en quoi les sociétés s’écartent ou se rapprochent de la règle éternelle du vrai, du beau. » Il est, allé bien plus loin et, je le crois, il savait où allait son génie naturel, où, du moins, il irait par son influence future. Je crois entendre aussi vibrer une résignation généreuse dans la grandeur incomplète de son Œuvre.

Richard Wagner a fait deux principales choses : l’union de toutes les formes artistiques et la synthèse des observations et des expériences dans la Fiction. Personne des contemporains — j’entends des méditatifs et des sincères — ne doute plus, après tant d’injures, intéressées ou seulement ineptes, qui annoncèrent le glorieux effort, que là, dans cette voie ouverte par Wagner, au terme

    ce temps. Mais s’imagine-t-on une succession de générations dont les plus hauts génies n’auraient point d’autre soin que de dresser pour l’avenir le tableau historique et fidèle des mœurs de l’instant ? À quel avenir se dédieraient de telles œuvres, puisque ce serait l’œuvre aussi de l’avenir d’y ajouter sa page ? — Et puis ! qui peut savoir ce qui, de nous, intéressera le XXIe siècle ? Il y avait peut-être beaucoup d’histoires des civilisations dans la bibliothèque d’Alexandrie. D’un poëme des vers subsistent, qui défient le feu parcequ’ils sont flammes eux-mêmes : d’un livre d’histoire… — Et encore ce point de vue historique a ce grand danger qu’il risque, en détournant de soi l’œil du génie, de nous faire perdre la seule histoire qui nous intéresse, qui nous passionne : l’histoire elle-même, l’histoire intérieure de cette âme unique. — Cette histoire, Balzac nous l’a donnée, malgré lui, et parceque son génie ne lui a pas permis de se tenir toujours à la lucarne qu’il avait choisie — trop petite pour son regard infini.