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et dans une reproduction fidèle des indifférentes apparences sociales, conditions conventionnelles de l’exislence des hommes en collections. Mais Balzac vivifie ces principes par cette pensée synthétique de l’unité de composition du monde et des ressemblances de la société avec la nature. C’est en fondant une œuvre littéraire sur cette loi scientifique de l’unité de composition, perpétuelle et primordiale loi de la nature créante, que Balzac inaugure le véritable Art Moderne foncier, dont l’essence est de se reprendre, par la science, à l’originelle nature et de procéder comme elle. En faisant le départ du « vrai dans les détails » (et ce mot ne dit peut-être pas toute la pensée de Balzac) et de « l’auguste mensonge » par quoi le roman doit « tendre vers le beau idéal, » Balzac inaugure le véritable Art Moderne formel, dont l’essence est de lier par le nœud arabesque d’une Fiction ces graves détails de vérité dérobés à la nature ou à la société par l’observation ou par l’intuition. — Enfin, bien plus nettement qu’Alfred de Vigny, Balzac se rend compte que le Poëte ne doit pas être au caprice de l’inspiration, qu’il doit la régir, que le génie est précisément la faculté volontaire d’être inspiré, que le génie ainsi gouverné par une volonté gouvernée elle-même par la raison doit se destiner tout entier à l’édification d’un seul monument, complet et un[1]. — L’unité

  1. Cette idée n’est personnelle ni à Balzac, ni à Vigny. V. Hugo