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une page dans une phrase et cette phrase dans un mot ». Par ce sentiment il soupçonne le poëme en prose : il le précise par de telles observations : « Il serait singulier que le style ne fût beau que lorsqu’il a quelque obscurité, c’est-à-dire quelques nuages ; et peut être cela est vrai, quand cette obscurité lui vient de son excellence même, du choix des mots qui ne sont pas communs, du choix des mots qui ne sont pas vulgaires. Il est certain que le beau a toujours à la fois quelque beauté visible et quelque beauté cachée. Il est certain encore qu’il n’a jamais autant de charmes pour nous que lorsque nous le lisons attentivement dans une langue que nous n’entendons qu’à demi… Il va, dans la langue française, de petits mots dont presque personne ne sait rien faire… C’est l’équivoque, l’incertitude, c’est-à-dire la souplesse des mots qui est un de leurs grands avantages et qui permet d’en faire un usage exact… Etc. » lia comme nul en son temps le sens du vers moderne : « Les beaux vers sont ceux qui s’exhalent comme des sons ou des parfums. » — Il ne larmoie ni ne ricane. Il pense. Après La Bruyère, même après Pascal, Joubert pense, et ses pensées, dans la plus pure tradition du XVIIe siècle, avec je ne sais quoi de moderne dans le ton, d’aigu dans le fond, s’inscrivent dans une forme rapide et ménagée, sont essentielles. — Il n’a ni mouvement ni couleur et ce