Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme d’un élément de rire. Du moins, ce qu’il ignore foncièrement, c’est la mêlée des passions animales et spirituelles ; comme tous ses contemporains, il ne voit que des caractères. Il choisit fatalement dans les passions dont l’homme est le réceptacle, il en prend une, il n’en prend qu’une et ses héros sont des avares, des hypocrites, des libertins avant d’être des hommes : si Harpagon était un homme, il aurait son instant de faiblesse, qui serait de la générosité ; si Tartuffe était un homme, il aurait son quart d’heure d’inconséquence, qui serait de la franchise. Mais ces noms désignent des vices plutôt encore que des vicieux : c’est l’Avarice plutôt que l’avare, l’Hypocrisie plutôt que l’hypocrite, de là cette constance qui ne se dément pas. — À prendre ces entités ambulantes pour des individualités humaines, on aurait de singulières surprises. Vie factice de la Comédie ; mort factice de la Tragédie. La vie, chez Molière, n’est pas l’union de l’âme et du corps ; pour lui le corps n’est à l’âme qu’un facultatif compagnon, que Sganarelle garde, qu’Alceste quitte. Il a beau dire :

Guenille si l’on veut, ma guenille m’est chère !

Point tant ! Il sait s’en passer. — La mort, chez Racine, n’est pas la séparation de l’âme et du corps, car chez lui, plus manifestement encore que chez Molière, la vie n’a pas résulté de leur union. La seule mort logique, chez Racine, serait la fin de la