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Il y a plus. Dans une lettre adressée au gouverneur-général du Canada, en date du 23 juillet 1870, Mgr Taché alla jusqu’à affirmer (et il le déclara plus tard sous la foi du serment), que

en dehors de l’association fénienne, le gouvernement provisoire de la Rivière-Rouge a repoussé des offres qui auraient pu le séduire, si le sentiment de l’allégeance ne l’avait pas dominé. Des sommes au montant de plus de quatre millions de piastres ($4,000,000), des hommes et des armes ont été offerts, et le tout a été refusé par ces rebelles[1].



Les bons conseils du clergé[2] et les propres sentiments de Riel empêchèrent ces tentatives d’aboutir ; mais les féniens et autres Américains ne se découragèrent point. O’Donoghue était allé les trouver après l’arrivée des troupes. Celles-ci une fois reparties pour l’est, les meneurs étrangers crurent voir dans les vexations et persécutions qui suivirent le meilleur des appoints à leur cause. Méprisés par les nouveaux venus, dépossédés de leurs terres aux Îlets de Bois et ailleurs, traqués comme des bêtes fauves par des échappés de bagne, attaqués jusque dans le sanctuaire de leurs familles et foulés sous le talon des envahisseurs de leurs libertés immémoriales, les métis français n’étaient-ils point enfin mûrs pour la révolte ? Les féniens le crurent, et ils firent leurs plans en conséquence.

Ils savaient, et ne se faisaient pas faute de publier, que ces fiers enfants de la prairie étaient « d’excellents cavaliers, habitués au maniement des armes et à l’obéissance aux chefs qu’ils se donnaient quand ils faisaient la chasse au bison »[3]. Par conséquent, il était plus que probable qu’ils feraient honneur à leur race sous le drapeau des États-Unis. Ils pouvaient sans trop de

  1. La Vérité sur la Question métisse, p. 254.
  2. « Relativement au désir de l’annexion, le gouverneur dit qu’il ne pensait pas qu’il existât à un degré appréciable. Stuttman désirait vivement la voir se réaliser, et il pensait que le général Riel avait les mêmes tendances ; mais les prêtres, qui ont en réalité plus de pouvoir que l’un et l’autre, s’y opposaient », The Saint Paul Despatch, citée au Livre bleu). Nous avons déjà vu que le « général » Riel n’avait aucunement les sentiments que les Américains lui prêtaient.
  3. Livre bleu, p. 29.