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du Conseil de Londres, sans un vote des colons de Selkirk et de ceux qui se trouvent aux sources de la Saskatchewan, lesquels sont en grande partie des émigrés des États-Unis, et nous prions respectueusement, quoique avec instance, le Président et le Congrès des États-Unis de représenter au gouvernement de la Grande-Bretagne que pareille action sera une intervention indue, contraire au principe de gouvernement local (self-government), qui ne peut être regardée avec indifférence par le peuple des États-Unis[1].

Est-ce assez clair ?

Cette résolution fut envoyée à Washington, et le journal américain qui la rappelait, le 21 novembre 1869, rendait son but encore plus évident en déclarant que

la législature du Minnesota apprendrait avec joie que la cession du Nord-Ouest de l’Amérique britannique aux États-Unis, accompagnée de la construction d’un chemin de fer nord-pacifique, est regardée par la Grande-Bretagne et le Canada comme les termes satisfaisants d’un traité qui éliminera tout sujet de controverse entre les deux contrées[2].

Du reste ces projets étaient si peu fantaisistes que, le 30 novembre 1869, lord Granville rappelait officiellement au gouverneur-général du Canada que son Conseil exécutif avait, le 22 juin 1866,

exprimé l’opinion que les parties les plus tentantes du Territoire [de l’Assiniboia] seraient bientôt peuplées d’individus que la Compagnie [de la Baie d’Hudson] était impuissante à maîtriser, qui établiraient un gouvernement et des tribunaux à eux et proclameraient leur indépendance politique ; — qu’une telle agglomération couperait en deux l’Amérique anglaise[3].

Rien d’étonnant alors si, lorsqu’il fut question d’envoyer des troupes à la Rivière-Rouge, le nord ouest des États-Unis fut unanime à demander qu’on leur défendît de passer sur le territoire américain. En outre, les menées auprès de Riel des agitateurs venus du sud ne sont un secret pour personne. Les féniens, aidés alors par O’Donoghue, étaient aux aguets pour saisir le moindre signe d’intelligence, la moindre marque de consentement de la part du gouvernement provisoire pour se lever en masse et s’unir aux métis dans le but de réclamer la protection du drapeau étoilé.

  1. Du journal The Pioneer, de St-Paul. Reproduit dans Le Livre bleu de 1870.
  2. Livre bleu, p. 28.
  3. Ibid., p. 170.