Page:Morice - Aux sources de l'histoire manitobaine, 1907.pdf/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 95 —

leur mouvement avait mis les droits catholiques et français sous l’égide d’une constitution contre laquelle la fureur orangiste ne pouvait rien. Si, plus tard, des politiciens sans conscience crurent pouvoir défier l’autorité qui avait consacré ces droits dans un document qu’aucune législation provinciale ne peut détruire (eux qui sont si fervents adeptes de l’autorité supérieure quand elle favorise leurs propres vues), nous ne devons voir dans ces menées liberticides qu’autant de manifestations du même esprit qui, dès le commencement, animait les Schultz et les Dennis. Les libertés abolies par une législature subalterne n’en restent pas moins admises par l’Acte impérial, et leur disparition de la vie politique et sociale ne peut être qu’une éclipse qui sera, espérons-le, de courte durée.

Il n’entre pas dans mon plan de faire assister le lecteur à la série complète des persécutions que les métis, et surtout leurs chefs, eurent à essuyer de la part des nouveaux venus après la prise de possession de leur pays par le Canada. Il n’est pourtant que juste d’en dire un mot, ne serait-ce que pour mettre le lecteur en état d’apprécier à leur juste valeur les services qu’ils rendirent alors à la cause de la domination anglaise.

Comme l’admet Alex. Begg, qui désapprouve expressément l’exécution de Scott et l’appelle un meurtre[1], les volontaires canadiens n’avaient qu’un but en s’engageant dans l’expédition de Wolseley : venger la mort d’un frère en orangisme. Aussi « en plusieurs occasions des métis français innocents [de toute participation à cette mort] furent-ils guettés sur le chemin et battus par des partis de volontaires qui les supposaient coupables, et un homme, Goulet…, fut-il poursuivi par la populace et poussé dans la rivière Rouge, où il se noya en essayant d’échapper à sa fureur[2]. »

Cet auteur aurait pu ajouter que des officiers étaient à la tête

  1. Cet auteur se fait généralement remarquer par son impartialité ; mais il écrivait alors au lendemain des événements qu’il racontait, et l’impression produite par cette malencontreuse exécution était encore trop vivace pour qu’il pût en parler avec la froideur et le désintéressement que réclame le rôle de l’historien sérieux.
  2. Begg, History of the North West (un ouvrage différent de celui auquel il a été fait allusion dans la note précédente), vol. II, pp. 133-34.