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8o L’accès soudain de folie ne fut point du côté de Riel, mais, au dire de l’Anglais Begg lui-même, du côté des gens du Portage, qui s’insurgèrent contre l’autorité reconnue par toute la colonie, après que leurs propres représentants à la Convention l’avaient ratifiée et avaient élu à l’unanimité (moins la voix d’un absent) Riel président[1].

9o La nouvelle de l’exécution de Scott souleva réellement « une tempête d’indignation » dans l’Ontario, mais non pas dans la province de Québec, qui se trouve pourtant au moins autant à l’est que la première.

10o C’est une pure invention et une fausseté historique que de donner à entendre, comme le fait l’auteur du manuel incriminé, que l’expédition militaire envoyée à la Rivière-Rouge fut organisée dans le but de venger la mort de Scott. Un trop grand nombre de ceux qui y prirent part étaient animés par un sentiment analogue ; mais l’expédition elle-même avait été ordonnée avant qu’on eût eu aucune nouvelle de cette mort au Canada, à plus forte raison en Angleterre, d’où dépendaient exclusivement les soldats réguliers qui en firent partie[2].

11o C’est pure calomnie d’écrire qu’à « l’approche des troupes toute ardeur militaire… s’éteignit dans la poitrine de Riel », puisque celui-ci n’avait jamais été animé de pareils sentiments. Son grand ennemi, le général Butler, lui ayant fait remarquer qu’on « le représentait comme faisant de grands préparatifs pour résister à l’expédition qui approchait », Riel répondit aussitôt que

  1. « Ainsi finit cette folle expédition (this mad-like expedition) du Portage, dont les résultats immédiats furent la perte de deux vies et la prise de quarante-huit prisonniers par les Français ». (The Creation of Manitoba, p. 290).
  2. Th. Scott fut exécuté le 4 mars 1870. Or, le 1erfévrier de cette même année, un télégramme de l’agence Reuter consigné dans les dépêches officielles du temps (Livre bleu, p. 223) se lit ainsi : « On dit que les fusiliers royaux d’Ottawa ne seront point licenciés. Au contraire, six compagnies de ce corps, avec une batterie d’artillerie, seront envoyées à la Rivière-Rouge par la voie du fort William le printemps prochain ». En outre, vingt-cinq jours après la mort de Scott, le gouvernement fédéral lui-même n’en était pas encore sûr, puisque le 31 mars le gouverneur-général télégraphiait à lord Granville : « Nous ne savons pas encore si une rumeur dont plusieurs journaux se sont faits les échos, à l’effet que Riel aurait fait fusiller un individu du nom de Scott, est vraie ou fausse ». Ce ne fut que le 5 avril que cette nouvelle se confirma (V. Livre bleu, p. 115). Mais le 29 mars le même personnage avait télégraphié au comte Granville que les « troupes doivent partir pour