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tel fut le principe qui détermina toute sa conduite pendant les mois orageux qui suivirent la prise d’armes.

Malheureusement une opposition systématique à ses plans se dessina bientôt dans le lointain, qui rendit toute action pacifique et légalement régulière excessivement difficile. Ce fut celle de McDougall qui, après son éviction du fort Pembina, semble avoir été gouverné par la devise de Louis XI, divide et impera. Ses agents essayèrent longtemps de représenter le soulèvement des métis comme le fait d’une simple fraction de la population d’origine française. Le colonel J.-S. Dennis, entre autres, paraît avoir été tout particulièrement offusqué des sympathies du clergé catholique pour les droits de ses ouailles. L’abbé Ritchot, curé de Saint-Norbert, eut surtout le don de lui donner sur les nerfs. Il le nomme incessamment dans sa correspondance avec McDougall, et un de ses amis est tellement porté à rejeter la faute du mouvement de protestation sur les autorités ecclésiastiques qu’il va jusqu’à appeler prêtre un individu qui n’était même pas dans les ordres[1].

D’un autre côté, il est évident que, bien que moins intéressés à la réussite du soulèvement et d’ailleurs de tempérament plus flegmatique, les Anglais, métis et pur sang, avaient bien aussi leurs justes griefs. Deux des plus influents parmi les premiers le montrèrent assez quand ils écrivirent dans la New Nation, le journal de la colonie, qu’ils étaient bien fâchés de voir des étrangers « s’efforcer de ruiner leur pays »[2]. La même feuille contenait plus tard (21 janvier) un long document où les blancs de race anglaise parlaient fréquemment de concessions à faire et de droits à garantir par le Canada[3].

Bref, Riel ne s’était pas plutôt établi au fort Garry qu’il forçait les typographes du journal à imprimer une courte proclamation invitant la population anglaise de la colonie à élire douze députés, pour s’entendre avec un nombre égal de représentants français sur les mesures à prendre dans la crise par laquelle passait le pays.

Les agents de McDougall, prêtant aux vieux colons leur propre mépris pour les métis français, prédirent ouvertement et écrivirent à leur maître qu’aucun compte ne serait tenu de cette invi-

  1. Correspondence relative to the Recent Disturbances in the Red River Settlement, p. 49.
  2. The Creation of Manitoba, p. 141.
  3. Ibid., p. 244.