ils ne voudraient évidemment pas nous offenser[1] ». Dans la suite, des nécessités inexorables provenant de la prolongation de la lutte, de la formation d’un gouvernement régulier et de l’opposition qu’il rencontrait, forcèrent Riel non seulement à s’emparer d’armes et de munitions, ainsi que de provisions de bouche appartenant à la Compagnie, mais encore à négocier un emprunt en argent et à forcer le gérant de cette corporation à y consentir, à la condition que le Canada, qui était la cause du soulèvement, rembourserait la dite Compagnie une fois qu’il aurait pris possession du pays.
Une autre saisie qui fit beaucoup de bruit et mécontenta la population de langue anglaise fut effectuée peu après l’occupation du fort. Le 23 novembre, Riel fit main basse sur les archives de la colonie, parmi lesquelles se trouvaient les registres qui contenaient les titres de toutes les terres vendues ou données depuis 1812. Cette mesure mit dans l’inquiétude les gens qui, ne comprenant ni les métis français, ni le but vers lequel ils tendaient, craignirent un instant pour leurs droits de propriétaires, que la disparition fortuite ou voulue des livres publics pouvait réduire à néant. De fait, après les troubles, on crut assez longtemps que ces précieux documents avaient été délibérément détruits, et le premier gouverneur effectif du Manitoba, M. Archibald, crut même devoir déplorer leur perte dans son message à la législature de la nouvelle province. En réalité, d’après un ennemi même de Riel (qui s’était par deux fois enrôlé pour porter les armes contre lui), « c’était l’intention de celui-ci de transmettre personnellement à sir Garnet Wolseley tous les livres publics et les registres du pays ; mais comme ses amis lui assurèrent qu’il ne recevrait aucune protection de la part de cet officier, il quitta le fort Garry laissant après lui tous les registres publics »[2]. M. John H. McTavish, premier commis de la Compagnie de la Baie d’Hudson au fort ; s’en empara immédiatement et les tint longtemps cachés.
Mais nous anticipons. Après s’être rendu maître de la place, Riel n’eut plus qu’une ambition : obtenir le concours de la population anglaise afin de présenter au gouvernement canadien des réclamations aussi unanimes que possible. L’union fait la force :