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VI. — métis et blanc


Alea jacta est ! Le dé en était jeté : il fallait maintenant agir si l’on ne voulait laisser triompher l’illégalité, l’agression indue et l’invasion des droits les plus sacrés, et se rendre en même temps la risée du monde entier. Riel et les siens le comprirent. Aussi, le même parti qui reconduisit Provencher et Cameron à la frontière eut-il ordre d’expulser du territoire McDougall, qui s’était installé au fort de la Compagnie de la Baie d’Hudson à Pembina, tout près de la frontière américaine. Le soi-disant gou­verneur voulut se retrancher derrière l’autorité de la Reine, et exhiba devant Ambroise Lépine, le commandant des 14 hommes armés qu’on lui avait députés, les lettres sur parchemin qui, dans les circonstances, n’étaient rien moins qu’un faux, puisqu’elles ne devaient avoir force de loi qu’au transfert du pays au Canada, lequel ne s’effectua que le 15 juillet de l’année suivante. Le brave métis, un instant intimidé à la vue du grand sceau de la Puissance, et en entendant l’explication qu’on lui donna du document, finit pourtant par s’en remettre au jugement de celui qui l’avait envoyé, et contraignit McDougall à déguerpir.

Celui-ci s’établit alors en territoire américain, non loin de l’Assiniboia, et de là commença à travailler à la déconfiture de ceux qui le traitaient avec si peu de cérémonie. On savait que ce monsieur était accompagné d’une quantité d’armes et de muni­tions destinées à ses partisans, les « Amis du Canada », et il était de la plus simple prudence de l’empêcher de venir allumer les feux de la guerre civile au centre de la colonie.

Pendant ce temps, Riel faisait occuper le fort Garry par une troupe de 120 hommes (3 novembre). Le gouverneur de l’Assiniboia, M. McTavish, écrit à ce propos que les métis « protes­taient énergiquement contre toute intention de faire tort à per­sonne ou de toucher aux biens que la place contenait, et on doit admettre que sous ce rapport ils ont tenu leur promesse »[1]. Cette remarque était faite le 9 novembre 1869. Une semaine après (16 novembre) le même parti remarquait encore que « les hommes [en garnison chez nous] sont en général tranquilles et amis de l’ordre ;

  1. Livre bleu de 1870, p. 39.