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la Compagnie, et ne craignaient pas de se livrer furtivement à un commerce qu’ils savaient lucratif. Un nommé Régis Larence[1] était de cette catégorie. Mal lui en prit. Ayant été accusé de violation du monopole, les agents de la Compagnie pénétrèrent de force dans sa maison et s’emparèrent des pelleteries qu’elle contenait. Plusieurs autres furent traités de la sorte, et l’un d’eux qui habitait les bords du lac Manitoba fut même fait prisonnier, conduit ignominieusement à la factorerie de New-York et menacé de déportation en Angleterre. On alla jusqu’à fouiller les malles de M. l’abbé Belcourt pour s’assurer si elles ne contenaient point de fourrures.



On conçoit que pareilles exigences, jointes à d’autres mesures vexatoires relativement au commerce avec les États-Unis et au transport des denrées coloniales, ne passèrent pas sans protestation. La population anglaise fut sous ce rapport tout aussi chaude que les métis français, et dès 1847, six représentants de la première, dont un M. Alexandre-K. Isbister était le porte-voix, firent parvenir leurs réclamations jusqu’aux pieds du trône, en même temps que les derniers y envoyaient une pétition « couchée dans de très excellents termes » comme le remarque le Dr Bryce, et signée de  977 noms — ce qui, soit dit en passant, témoigne assez de l’efficacité des écoles catholiques de ce temps-là.

Une autre circonstance que je me permettrai de relever, c’est la loyauté indiscutable des métis, ou plutôt de leurs guides spirituels, puisque ce fut M. Belcourt qui rédigea ce document. « Nous sommes près de la ligue territoriale », disent les pétitionnaires ; « nous pourrions nous ranger sur le territoire voisin ; nous y sommes invités, mais nous admirons la sagesse de la Constitution britannique, et nous en désirons les privilèges. »

Cette pièce, ainsi que la pétition d’Isbister, eurent pour résultat immédiat une investigation officielle dont ls avantages pratiques furent à peu près limités à la publication par le Gouvernement

  1. Ce nom est diversement écrit selon les auteurs. Jos. Tassé appelle ce Canadien « Registre Larant », (Les Canadiens de l’Ouest, vol. II, p. 361) ; Gunn dit « Régiste LaRance », et son continuateur Tuttle, « Régis Laurent », tandis que Begg parle d’un « Régiste Larant ». D’un autre côté, tous les Canadiens de ce nom qui traversèrent les montagnes Rocheuses sont dénommés « Larance » dans les MSS contemporains.